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Mercredi Addams, quel profil psychologique ?

Photo du rédacteur: Charlotte SanchoCharlotte Sancho

Depuis la sortie de la série Mercredi sur Netflix, le personnage de Mercredi Addams fascine. Son intelligence acérée, son détachement émotionnel apparent, son humour noir et son inadaptation sociale volontaire en font une figure singulière qui intrigue autant qu’elle inspire. De nombreux spectateurs et professionnels se sont prêtés au jeu du diagnostic, cherchant à comprendre les rouages de son fonctionnement psychologique et neuropsychologique. Autiste, psychopathe, haut potentiel intellectuel, personnalité schizoïde… Les hypothèses fleurissent.


Mais est-il si simple d’étiqueter un personnage aussi complexe ? Comme dans toute démarche clinique, une analyse approfondie s’impose, en gardant à l’esprit que les traits peuvent être intriqués, que les classifications sont des constructions humaines, et que la réalité clinique dépasse souvent les cases diagnostiques.


1. Une personnalité marquée par une distanciation émotionnelle et une singularité cognitive


Dès les premières scènes, Mercredi se distingue par son regard froid et inexpressif, son ton monocorde et son détachement face aux conventions sociales. Elle semble avoir une faible réactivité émotionnelle, même dans des situations où la majorité des personnes éprouveraient de l’empathie ou de la tristesse. Ce comportement pourrait faire penser à un trouble de la personnalité schizoïde, caractérisé par un manque d’intérêt pour les relations sociales et une expression émotionnelle restreinte.


Cependant, si Mercredi n’a que peu d’attachement pour la plupart des gens, elle développe des liens avec certains personnages, notamment Enid, sa colocataire exubérante, et son oncle Fétide. Elle n’est pas exempte d’émotions, mais celles-ci sont exprimées de manière atypique. Son ironie cinglante et son humour noir peuvent aussi masquer une forme d’hypersensibilité tournée en autodérision. On observe ici un paradoxe entre une apparente froideur et des attachements sélectifs, ce qui rend l’hypothèse du trouble schizoïde moins évidente.


2. Un profil neuro-atypique ? L’hypothèse du trouble du spectre de l’autisme (TSA)


De nombreux traits de Mercredi évoquent un trouble du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle :


• Son mode de communication direct, sans filtre et souvent perçu comme inadapté socialement


• Son intérêt spécifique pour les enquêtes et l’écriture, qu’elle pratique avec une intensité obsessionnelle


• Son inconfort évident face aux interactions sociales classiques, notamment les conventions émotionnelles


• Une sensorialité particulière (elle semble peu réactive à la douleur et tolère des situations inconfortables)


Cependant, Mercredi ne correspond pas entièrement aux critères d’un TSA. Elle comprend les codes sociaux, mais choisit de ne pas les respecter. De plus, elle ne manifeste pas de besoins rigides en matière de routines ou de résistances aux changements, ce qui est souvent un élément central dans l’autisme. Elle fonctionne davantage selon une logique volontaire et stratégique qu’en raison d’une réelle incapacité à s’adapter.


Son profil pourrait davantage correspondre à un haut potentiel intellectuel (HPI) avec un fonctionnement atypique. Elle possède une pensée rapide, logique et déductive, qui lui permet de résoudre des énigmes complexes. Son humour cynique, son besoin d’indépendance et son rapport particulier aux émotions sont des caractéristiques souvent observées chez des personnes HPI, notamment dans les profils dits “hétérogènes”, où l’intelligence émotionnelle et l’intelligence logique ne sont pas développées de manière équilibrée.


3. Mercredi est-elle une psychopathe ? L’ambiguïté entre détachement et absence d’empathie


Une autre hypothèse couramment évoquée est celle de la psychopathie. Son manque de remords, sa froideur apparente et son goût pour la violence (notamment dans les scènes où elle torture Pugsley ou attaque ses adversaires) font écho aux traits des personnalités psychopathiques. Toutefois, ce diagnostic ne tient pas totalement.


• Contrairement à un psychopathe, Mercredi ne manipule pas son entourage pour obtenir un avantage personnel.


• Elle est guidée par un code moral strict, même si celui-ci est atypique. Elle cherche la justice et défend ceux qu’elle juge dignes de respect.


• Elle établit des liens affectifs, même si ceux-ci sont sélectifs et exprimés de manière détournée.


Son comportement s’apparente donc davantage à une personnalité anticonformiste et pragmatique qu'à un trouble psychopathique avéré.


4. Une construction identitaire forte et assumée


Un élément clé de la personnalité de Mercredi réside dans son affirmation identitaire. Elle ne cherche pas à s’intégrer mais à exister selon ses propres règles. Ce positionnement rappelle les adolescents en quête de singularité, mais chez elle, cette démarche semble intégrée depuis toujours.


Elle fait preuve d’un haut degré de métacognition, c’est-à-dire qu’elle réfléchit à sa propre pensée et à son mode de fonctionnement. Ce trait est souvent retrouvé chez les profils à haut potentiel, mais aussi chez certaines personnalités ayant développé une hypervigilance émotionnelle suite à des expériences précoces marquantes.


Son histoire familiale, marquée par une culture de l’étrangeté et de la non-conformité, a probablement joué un rôle essentiel dans son rapport au monde. Plutôt que de subir sa différence, elle l’a transformée en force et en revendication.


5. Un personnage qui échappe aux étiquettes


Mercredi Addams est un parfait exemple de la complexité des profils psychologiques et neuropsychologiques. Elle ne rentre dans aucune case de manière nette et définitive.


• Son détachement émotionnel rappelle les traits schizoïdes, mais elle développe des liens affectifs.


• Son mode de communication et son hyperfocus sur ses centres d’intérêt évoquent l’autisme, mais elle maîtrise les codes sociaux et les détourne.


• Son intelligence acérée et sa pensée logique peuvent évoquer un HPI, mais son rapport aux émotions est particulier.


• Son pragmatisme et son absence de pitié dans certaines situations évoquent un profil psychopathe, mais elle est guidée par des valeurs.


Finalement, la meilleure approche n’est pas de chercher à diagnostiquer Mercredi, mais de comprendre que les fonctionnements psychologiques ne sont pas des catégories rigides mais des combinaisons uniques. Dans la réalité clinique, les étiquettes sont des outils, mais elles ne doivent jamais écraser la singularité d’une personne.


Mercredi Addams nous rappelle que la complexité humaine ne se réduit pas à un diagnostic. Elle est l’illustration de ce qui nous échappe encore dans les méandres de la psychologie et de la neurodiversité : un mystère à la fois fascinant et insaisissable.




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